Nous allons fêter dans les mois à venir les 80 ans de l’arrivée à Sainte Catherine de notre tutelle congréganiste dominicaine, Le Saint Nom de Jésus.
Nous avons commencé à réfléchir avec toute la communauté éducative, sur les initiatives qui accompagneront cet événement pendant l’année scolaire 2023-24.
Nous souhaitons célébrer et fêter un « événement » et non pas seulement le souvenir jauni, d’un fait d’antan, quand « les sœurs étaient présentes à Ste Catherine ».
La transmission implique toujours une mémoire vivante. L’étymologie du mot vient du latin « trans » et « mittere » : « déposer-envoyer au-delà ».
Il nous semble important de redécouvrir ce que nous avons reçu de la part des sœurs qui, en 1943, en pleine guerre et occupation nazie, ont eu le courage de parier sur l’éducation en fondant une école. Quel courage fallait-il avoir pour défier le climat tragique de cette époque. Quelles certitudes fallait-il avoir pour se lancer dans l’éducation !
Aujourd’hui, le contexte historique est heureusement bien différent, même si la mission que ces soeurs nous ont « envoyée » demeure la même. Nous avons relevé cette mission de transmettre à nos jeunes le goût d’apprendre et une espérance dans la vie malgré les menaces qui font surgir des doutes et des inquiétudes.
Nous pensons en particulier à la situation internationale toujours tragique. Mais aussi à un fait plus proche et auquel nous sommes tous confrontés, enseignants, parents et élèves : l’interface ChatGPT, cette intelligence artificielle qui répond à tout.
L’invention du ChatGPT ressort d’une prouesse inventive et suscite une forte inquiétude dans plusieurs milieux, notamment au niveau scolaire. Sa puissance de performance semble miner les fondements pédagogiques de l’école et mettre en doute toute l’institution scolaire. De la même façon, elle va nous interroger sur notre mission éducative.
Car ChatGPT est cette interface d’intelligence artificielle capable de « tout faire ». Chez les adultes, elle peut faire naître un mélange de peur et de fascination.
Dans un monde, géré et fasciné par la performance, dans une vie fondée sur des actions à mener, nous n’aurions qu’à nous incliner progressivement devant la puissance de calcul du logiciel. L’école ne serait destinée qu’à devenir une sorte de musée de la préhistoire.
En tant qu’adultes, nous mesurons au quotidien que la réalité n’est pas faite seulement d’outils techniques ou de résultats programmés.
La récente pandémie sanitaire a bien montré le rôle central de l’école dans notre société. Elle aurait dû nous apprendre une confiance critique dans les outils scientifiques et numériques par lesquels nous imaginons créer et transmettre une connaissance. Au contraire, une éducation implique toujours deux facteurs : une mémoire, se saisir d’un savoir que nous avons reçu et une culture, notre capacité à évaluer le savoir reçu dans une finalité.
Cet esprit critique ne se décrète pas par des processus ou des quantités d’informations ou des performances. Cette conception du savoir de type quantitatif ne fait que creuser les difficultés de notre système scolaire, auxquelles nous sommes déjà largement confrontés.
Nous pourrons nous servir de toute intelligence artificielle comme un outil, si notre visée est d’abord la transmission du sens du réel, l’éducation à l’intériorité, au « maître intérieur » dirait-St Augustin.
Bien au contraire, notre culture et notre mémoire pourront s’enraciner dans les valeurs de notre humanité si nous concevons ChatGPT comme un outil qui contribue à cultiver sans remplacer notre vie intérieure, notre responsabilité dans la transmission de l’éducation.
NB : Cet éditorial a été écrit avant le terrible acte d’assassinat de l’enseignante d’espagnol du collège/lycée dans l’établissement scolaire St Thomas d’Aquin à St Jean-de-Luz. Nous sommes saisis par l’émotion et l’incompréhension. Nous nous associons à la douleur de la famille, des collègues professeurs et des élèves de cet établissement, qui fait aussi partie de l’Association Educative Dominicaine (AEDom).