« Je crois que tous ces jeunes ont un problème de rapport humain. Cette génération est pour moi un mystère ». C’est la phase qu’un jeune papa m’a confié à la suite d’un problème rencontré avec son enfant.
Ce constat désemparé est aussi l’expérience quotidienne que nous vivons en tant qu’enseignant, personnel de vie scolaire, et tout adulte engagé dans l’éducation.
Nous pouvons tous faire et partager cette remarque devant les situations que les jeunes nous font vivre ou les problèmes qu’ils traversent. Il est opinion commune que cette génération vit une réalité beaucoup plus dure sur le plan sociétal ou mondial que celles précédentes. Nos jeunes rencontrent des problèmes que nous -adultes- nous n’avions jamais vécus.
Cette opinion ne peut pas être contexte mais n’explique pas non plus que la catégorie -jeunes- nous échappe. Elle fuit notre capacité de la com-prendre.
Le papa l’exprimait en disant que c’est « un mystère ». Dans le sens que quand l’on parle de la jeunesse, nous ne pouvons jamais être sûr de rien.
Pourquoi vivons-nous, en tant qu’adultes, une crise aussi profonde avec nos jeunes ?
Il y a plusieurs facteurs. Je me limiterai à en indiquer deux.
Je ne crois pas que l’on puisse expliquer les difficultés que la génération des jeunes traverse par la quantité des problèmes auxquels ils sont confrontés et que leurs parents n’ont pas connus. C’est une équation inexacte. Car les facteurs ne peuvent pas être comparés.
Par contre, ce qui est commun entre les diverses époques, c’est le facteur humain.
Notre papa l’appelait « rapport humain ». C’est-à-dire, la capacité d’affronter les difficultés rencontrées. C’est bien cela qui a changé en nos enfants-élèves et nous met en difficulté. Leur « humanité » est en mutation. Elle est devenue instable ou dans tous les cas peu reconnaissable à nos yeux d’ « adultes ».
Leur instabilité af-fective et pas seulement sentimentale est la source d’une grande partie des problèmes pour eux comme pour nous. Il y a très peu de liens entre leur conscience et les actes qu’ils peuvent poser. Leur réponse est de vous dire, très souvent : « je n’y ai pensé».
Il y a deux personnes dans leur personnalité : celle qui agit et celle qui réfléchit. Très peu de liens entre les deux. C’est pour cette raison qu’ils se sentent très peu responsables des actes qu’ils posent.
Un deuxième facteur, nous concerne nous les adultes. Un jeune pourra faire ce lien, si dans sa vie, il rencontrera des personnes qui leur présenteront une proposition de vie vraie et pas seulement de réussite sociale ou scolaire.
Le mot autorité signifie, en effet, faire grandir et pas seulement donner des règles de vie. Le jeune grandira mieux si l’éducation qu’il reçoit l’accompagne dans la découverte que la vie est bien. Être au monde est un don qui permet de se réaliser malgré les difficultés et les problèmes rencontrés. Parce qu’il découvre, au fur et à mesure qu’il grandit, que toute la réalité, choses positives et moins positives, ont un sens.
Ce sont des occasions pour grandir, découvrir des liens entre soi-même et toute la réalité qui nous entoure. Quel adulte aujourd’hui a cette capacité de transmettre à nos jeunes cette certitude ? Leur laisser un espace – le temps – pour vérifier que la vie vaut vraiment la peine d’être vécue et pas seulement en absence de problèmes ?
Je ne crois pas que nous puissions penser à nos jeunes sans d’abord nous regarder nous-mêmes. Nous avons, peut-être, une partie de responsabilité dans notre conception de l’éducation.
Ces constats « d’échec » ne peuvent justifier que nous arrêtions notre tâche éducative.
Nous sommes appelés chaque jour à rallumer dans les cœurs de nos jeunes l’espérance d’une société plus solidaire qui contraste avec les injustices et la violence.
C’est bien le sens du grand mystère de l’événement de Pâques. Tout peut recommencer même de l’apparence d’une « défaite ».
Joyeuses Pâques à chacun de vous.
Silvio Guerra